D’ABORD UN BRUIT LÉGER
RASANT LE SOL...
C’est
cette méchanceté anonyme et lâche qu’on appelle la calomnie ! Combien de
familles ont été brisées, déshonorées, par des ragots malveillants, des insinuations
douteuses, proférés uniquement par jalousie, pour le plaisir de nuire et de se
venger ! C’est si facile de dire n’importe quoi sur n’importe qui ! une fois
découverts, ils ont la naïveté de dire : « Ah ! Mais on ne le savait pas, on
croyait, ON nous l’avait dit ! »
Ces gens là sont tout de suite portés à croire et à divulguer, non sans un
certain plaisir, tout le mal qu’ils peuvent déverser dans des oreilles
complaisantes ! C’est si bon de dire du mal des gens qu’on n’aime pas !
On cherche à dévaloriser la personne qu’on dénigre. Ne pouvant la supprimer
physiquement, on cherche à la tuer moralement. On tente de l’avilir dans le
jugement des autres. On se sert de son prestige, de son autorité morale pour
donner plus de poids, à ses insinuations mensongères.
Le « Basile » de Beaumarchais décrit parfaitement le processus de cette
technique. Il suffit de mentir, de noircir, il en restera toujours quelque
chose !
Voici ce qu’il écrit : « La calomnie, Monsieur ? Vous ne savez guère ce que
vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez
qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien ; et
nous avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit léger, rasant le sol
comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant
le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano vous le glisse
en l’oreille adroitement.
Le
mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando, de bouche en
bouche, il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez
calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil ; elle s’élance,
étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et
devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus
universel de haine et de proscription – qui diable y résisterait ? »
(Beaumarchais, le Barbier de Séville, 1775)
A ceux qui me demandent : « Que devons-nous faire durant cette épreuve ? » je
dis « Laissez passer ce torrent de méchancetés, fiez-vous à l’intelligence et
au bon sens des gens qui vous connaissent et qui vous aiment. Il y en a
beaucoup plus que vous ne le pensez. Ils condamnent ces procédés honteux, car
ils en ont eux-mêmes souffert. Personne n’y échappe ! pas même Notre Seigneur
que ses ennemis calomniaient et dont les évangélistes, par souci d’honnêteté,
nous ont rapporté les termes injurieux ! alors, ne vous tracassez pas ! Vous
n’êtes pas les seuls à qui cela arrive ! Et si vous voulez être parfaits !
priez pour ceux qui vous calomnient ! Croyez-moi, vous y gagnerez en paix et
charité ! »
GRÉGOIRE